Le mercato des professionnels du retournement ne connaît pas la crise. Mayday a rencontré l’équipe Restructuring, Entreprises en difficulté et Distressed M&A du cabinet Franklin qui s’étoffe avec l’arrivée d’Arnaud Pédron comme associé aux côtés de Numa Rengot. Un mouvement important pour l’avocat qui a passé près de 20 ans chez Taj et qui rejoint une équipe en pleine croissance.
Mayday : Arnaud Pédron, vous intégrez le cabinet Franklin en tant qu’associé de la pratique Restructuring aux côtés de Numa Rengot. Vous qui avez été chez Taj Deloitte Legal pendant près de 20 ans, pourriez-vous revenir sur votre parcours et nous présenter vos ambitions ?
Arnaud Pédron : Parallèlement à mes études de droit, j’ai commencé ma carrière auprès de mandataires judiciaires et d’administrateurs judiciaires. Ces années d’expérience m’ont permis d’acquérir très tôt une vision à 360 degrés des problématiques que l’on peut rencontrer du droit des procédures collectives en milieu judiciaire.
Puis j’ai opté en 2001 pour l’activité de conseil en rejoignant l’équipe de Stéphanie Chatelon, associée responsable du département Restructuring de Deloitte Juridique et Fiscal devenu Taj, d’abord comme juriste puis en tant qu’avocat. J’y ai développé une expérience de 20 ans au travers d’un tout autre univers, d’autres méthodes de travail en équipe, des dossiers complexes de grande dimension tant à l’amiable (mandat ad hoc et conciliation) qu’en judiciaire auprès d’une clientèle principalement internationale, avec le soutien du réseau mondial de Deloitte et l’occasion de travailler avec mes homologues du Restructuring financier de Deloitte Finance.
« J’aime à rappeler aux clients et équipes que l’occasion de restructurer ou reprendre une cible en difficulté ne se présente souvent qu’une seule fois et que l’option à retenir doit ainsi être mûrement réfléchie : c’est l’image du fusil à un coup. » Arnaud Pédron
Dès 2011, j’ai aussi animé l’Insolvency Group visant à promouvoir les avocats spécialisés en Restructuring au sein de Deloitte Legal en Europe.
Via ce parcours, j’ai développé un goût prononcé pour les dossiers de distressed M&A (reprise à la barre du tribunal d’une entreprise en difficulté), à l’instar du dossier Doux où je suis intervenu au côté du candidat repreneur ukrainien et GLI Altifort pour son repreneur polonais ; ou encore, en 2019 où j’ai pu accompagner une Région en tant qu’apporteur de new money dans les dossiers Arc (conciliation) et Ascoval (distressed M&A) puis le partenaire industriel du groupe CNIM en conciliation.
La dimension humaine du Restructuring me stimule ; j’aime le terrain, le contact avec les dirigeants. J’aime à rappeler aux clients et équipes que l’occasion de restructurer ou reprendre une cible en difficulté ne se présente souvent qu’une seule fois et que l’option à retenir doit ainsi être mûrement réfléchie : c’est l’image du fusil à un coup. Dans ce métier d’ « urgentiste », j’apprécie surtout la complexité technique des dossiers, proposer une stratégie sur mesure, manier une matière dérogatoire du droit commun et travailler dans un contexte cross border.
C’est justement ce qu’offre le cabinet Franklin avec la naissance de son département Restructuring il y a moins d’un an, et déjà si prometteur. Avec cette crise économique majeure, je débute aujourd’hui une aventure plus entrepreneuriale en tant qu’associé au côté de Numa Rengot. L’occasion d’allier nos diversités et forces communes pour atteindre le niveau d’excellence et de réactivité qu’attendent les clients.
Il me tarde donc de contribuer à l’essor de la palette qu’offriront le Restructuring et Distressed M&A de Franklin, d’autant que cette pratique nécessite un travail d’équipe savamment orchestré pour proposer la meilleure des stratégies. Autant de projets et challenges qui satisfont grandement à mes nouvelles ambitions.
Mayday : Numa Rengot, vous avez intégré le cabinet Franklin en début d’année 2020 pour y créer et développer la pratique Restructuring – Distressed M&A. Quel bilan dresseriez-vous de ces premiers mois ?
Numa Rengot : En arrivant chez Franklin, j’avais fixé un cap et des objectifs pour cette année, tant en termes de qualité de dossiers que d’évolution de l’équipe. Malgré le contexte sanitaire, qui aurait pu être un frein, nous avons atteint tous nos objectifs. Le confinement a été une phase d’accélération pour certains de nos clients et de rythme effréné pour notre équipe. Certains investisseurs ont en effet continué de s’intéresser à la reprise de sociétés en distressed M&A même pendant la crise. Nous avons notamment accompagné un repreneur dans le cadre de la reprise de Damaël, la Communauté de Communes des Villes Soeurs concernant la reprise de MLB Savoir-Vivre l’Hedomnia ou encore le laboratoire parisien SCP Centre de Pathologie de Passy pour sa restructuration et son intégration par IHP Group. Nous avons également continué d’accompagner des sociétés dans le cadre de procédures préventives. Je constate par ailleurs que la crise nous a permis de prendre part à des dossiers de plus grande envergure, telle la restructuration avec ACE Management d’une partie du management d’Ariès Alliance qui nous a confié son opération ou encore une procédure amiable défensive pour un acteur immobilier de tout premier plan dans le secteur du tourisme.
Notre objectif 2020 est clairement de consolider notre activité Restructuring – Distressed M&A au profit des investisseurs et des repreneurs et de la développer. Nous sommes intervenus pour le premier conglomérat de l’Océan Indien dans le cadre d’une procédure amiable en France, pour un groupe industriel franco-belge dans la défense de ses intérêts contre ses créanciers bancaires ou encore en droit Ohada dans la restructuration d’un établissement bancaire africain et, plus largement, nous souhaitons renforcer notre présence sur les dossiers transnationaux grâce à l’arrivée d’Arnaud.
C’est donc un bilan très positif que je tire de mes premiers mois au sein du cabinet et notre ambition est aujourd’hui de proposer une vision originale du traitement des dossiers que nous savons de plus en plus protéiformes. Enfin, comme l’a souligné Arnaud, il existe une véritable synergie entre nos activités et on se plait à travailler ensemble, ce qui est essentiel. C’est une des belles opportunités de cette année !
Mayday : Le cabinet Franklin a connu une année pleine d’ébullition. Comment est-il aujourd’hui structuré pour accompagner les entreprises en difficulté et leurs repreneurs ?
NR : L’année 2020 montre en réalité, à quel point Franklin est une structure dynamique, parfaitement ancrée sur le marché des cabinets d’affaires. Cela a d’ailleurs été pour moi l’occasion d’être à la fois acteur et témoin de l’engouement que le cabinet a suscité à de nombreuses recrues de qualité, venues d’horizons différents pour participer ensemble à une offre d’expertises de qualité.
Nos associés gérants ont fait le choix d’une stratégie commune de recrutement, de gestion de la reprise et des équipes qui a su précisément répondre aux attentes actuelles du marché, et à fortiori celles du Restructuring, au profit à la fois des clients de longue date et d’une clientèle nouvelle. C’est cette stratégie de croissance qui, durant toute cette année frappée, comme vous le savez encore à ce jour, par la crise du Covid, a fait de Franklin, l’un des grands vainqueurs de ce mercato des avocats. C’est à mon sens, précisément là un gage essentiel de la confiance que saura nous accorder toute entreprise en difficulté ou tout repreneur que notre équipe sera ravie d’accompagner.
Aujourd’hui, l’équipe Restructuring, constituée de deux associés, a vu son effectif doublé en à peine un an et de nouveaux recrutements sont déjà envisagés dans les prochains mois.
« C’est donc un bilan très positif que je tire de mes premiers mois au sein du cabinet et notre ambition est aujourd’hui de proposer une vision originale du traitement des dossiers que nous savons de plus en plus protéiformes. » Numa Rengot
Comme je vous l’évoquais, nous travaillons de concert avec les autres départements du cabinet. Je pense notamment au département Immobilier conduit par François Verdot, au département Banque-Finance avec Stéphan Alamowitch, au département Social bien connu du Restructuring et co-dirigé par Myriam de Gaudusson et Patrick Thiébart, à l’équipe Corporate, emmenée par deux des fondateurs du cabinet Yam Atallah et Alexandre Marque ainsi que par Lionel Lesur, arrivé en septembre dernier.
L’un des objectifs que j’avais en intégrant Franklin était de transformer notre activité pour nous positionner sur des dossiers de plus grande ampleur en y embarquant nos clients historiques. Je pense que l’on est sur la bonne voie et que le contexte sanitaire présente de grandes opportunités. Preuve en est le volume et l’enjeu significatif des dossiers réalisés cette année, ou encore en cours de réalisation, avec nos clients récents et historiques !
Mayday : L’année 2021 est l’année de toutes les incertitudes. Comment interpréter les premiers signaux que vous percevez ?
NR : La crise sanitaire va et a déjà indéniablement changé les choses avec la probabilité que nous assistions à d’importants mouvements de consolidation et d’opérations de croissance externe via l’acquisition de sociétés en cession judiciaire et la prise de participations par transformation en fonds propres de créances. Bien entendu, les procédures amiables et judiciaires sur des dossiers complexes vont s’accélérer. L’arrivée d’Arnaud nous offre une force de frappe doublée pour répondre à ces sujets. Nous devrons continuer à faire preuve de pédagogie et d’une approche pluridisciplinaire du métier qui permettent l’intervention de l’équipe sur des dossiers toujours plus complexes. Nos équipes sauront mettre leurs compétences multisectorielles en synergie pour honorer les projets de nos clients repreneurs et préserver au mieux les intérêts de ceux dont l’entreprise se retrouve en difficulté face à des situations parfois inédites et une réglementation mouvante au gré de l’évolution de cette crise internationale dont nous œuvrons à maîtriser les enjeux pour notre matière.
AP : Les statistiques nous montrent que le nombre de défaillances en 2020 est en baisse par rapport à 2019 et ceci principalement en raison des mesures très exceptionnelles de soutien financier et de protection juridique dont l’objectif, est d’éviter l’aggravation de la situation des entreprises en difficulté et de leurs dirigeants
L’impact des difficultés économiques découlant de la crise sanitaire semble beaucoup plus lent et pernicieux qu‘annoncé. Cette protection artificielle ne saurait cacher la réalité d’une crise économique mondiale sans précédent avec l’augmentation en 2021 du nombre de défaillances et des effets qui se feront ressentir pendant de nombreuses années. Le monde de l’avant COVID-19 comme nous l’avons connu ne reviendra pas tel quel. La crise sanitaire a accéléré un processus de mutation déjà entamé et pour pouvoir poursuivre leur activité, bon nombre d’entreprises vont devoir se transformer.
Pour rester optimiste, il faut souligner que la nature renaît toujours de ses cendres ; il en sera de même de l’activité économique en France et dans le monde. Il y a encore beaucoup de cash en circulation et si l’on se place du côté des investisseurs ou des entreprises en phase de croissance externe, il y aura de bonnes opportunités de reprise en Distressed M&A. L’activité Restructuring à forte valeur ajoutée n’a jamais compté sur des statistiques élevées de défaillances. 78% d’entre elles représentent toujours des entreprises de moins 5 salariés hors de portée de notre business modèle. En revanche, l’augmentation du nombre d’entreprises en difficulté de taille importante déjà amorcée en 2018 associée à l’espoir d’un rebond et donc de la confiance des investisseurs sont des éléments qui vont nécessairement booster le Restructuring. A nous de nous transformer également et d’avoir une vision moderne et disruptive dans l’approche des nouveaux dossiers.
J’ajoute enfin que la prochaine année sera aussi celle de l’arrivée d’une nouvelle réforme du droit des entreprises en difficulté avec la transposition d’une directive européenne du 20 juin 2019 ainsi que du droit des sûretés. L’actualité du Restructuring en 2021 s’annonce donc très riche en événements et nouveautés.
Propos recueillis par Pauline Vigneron et Cyprien de Girval